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Quatre raisons de sortir de la rédaction et aller dans la rue



Quatre raisons de sortir de la rédaction et aller dans la rue

Microcosm, Alleyway in GlodokLes événements publics sont désormais documentés par les participants. Textes, photos, vidéos, les ressources ne manquent pas. Entre cette matière première et la facilité à entrer en contact avec ces témoins, certains journalistes dans les rédactions classiques ont l’impression que le journaliste qui bosse avec internet n’a pas besoin de sortir. Alors, pourquoi continuer à aller sur place ? Quatre raisons qui confirment notre rôle de journaliste « sur le terrain » –  les vôtres sont les bienvenues en commentaire.

 

. Des témoignages in situ

Les journalistes cherchent, là où les témoins reçoivent. Cela parait anodin dit comme cela, mais cette attitude pro-active permet de trouver des informations différentes. Evidemment, encore faut-il se bouger pour aller chercher…

Avant de partir en reportage, définissez un minimum d’infos à récupérer, un angle à approfondir. Au final, vous aurez peut être des infos très différentes de votre motivation première, mais chercher oblige à rencontrer, à défiler une pelote de contacts qui enrichissent votre(s) papier(s).

Si vous y allez le nez en l’air, vous n’obtiendrez pas grand chose.

 

. D’autres points de vue que ceux développés en ligne

Cela fait plusieurs jours qu’un événement se met en place, vous suivez ce qui s’y passe et s’en dit via le net. Aujourd’hui, il est temps d ‘aller sur le terrain pour comprendre pourquoi ce mouvement, ici, en ce moment, etc. Pour cela, vous devez confronter ce que vous connaissez déjà.

Tout le monde ne prend pas la parole en ligne – loin de là. A vous, sur place, d’aller trouver ceux qui ont des choses à dire. Prenez rendez-vous avec ceux qui publient sur le net – cela devrait être facile –  et demandez-leur s’ils connaissent des contradicteurs.

 

. Acquérir la légitimité à publier une info

Il y a un comportement qui est relativement mal compris dans les rédactions. Les journalistes ont l’impression que les internautes actifs en ligne ont laissé leur cerveau dans le caniveau.

C’est une vraie erreur. Au contraire, ces personnes développent un regard critique affuté sur ce qu’ils lisent. Assez vite la qualification des sources rentre en ligne de compte. Vous avez beau être un média connu, si vous ne sourcez pas « proprement » vous perdez la bataille de la légitimité.

Un article basé sur ce qui se dit en ligne ne va pas être considéré comme pertinent. Les personnes qui y participent, et tous ceux qui s’y intéressent, souhaitent lire des articles riches, documentés, contradictoires, mêlant les sources off et online.
Cette légitimité s’acquiert sur le terrain (« il est venu, on l’a vu »), ainsi que  dans la présentation que vous en faites.

Une honnêteté qui a manqué au Nouvel Obs en mars 2011. Faire  sa Une sur Fukushima, avec un copieux dossier à l’intérieur, en appelant le tout « Reportage » … sans bouger de Paris. Et les premières lignes appuient cette sensation de « sur place » :

« Le temps s’est arrêté. Plus d’heure, plus d’avant, plus d’après. Pas encore l’apocalypse. Tout est suspendu. Le ciel est froid, clair, ensoleillé. Dans la baie, les bateaux se balancent sur une mer d’hiver. Sur la côte, en face, un port de pêche, des toits bleus, des hangars. Sur la rive proche, des maisons, des parkings, des voitures, un poteau de signalisation, un nom, celui de la ville, moderne : Miyako. Et puis là, à quelques mètres du rivage, une ligne boursouflée, comme un bourrelet, quelque chose d’incompréhensible. On dirait un serpent géant, lourd, obscur, qui roule des écailles monstrueuses. Une vague.”

Si cet exemple vous intéresse, allez lire l’article des Inrocks « 5 astuces pour écrire un reportage sur le Japon depuis Paris ».

 

. Apporter de la valeur à la discussion – en participant en ligne

Partons de ce qu’a réalisé Brian Stelter lors de l’ouragan à Joplin il y a quelques mois. Journaliste au New York Times, il a utilisé twitter comme outil de prises de note, et instagram comme lieu de publication et sauvegarde de ses photos prises sur le terrain.

Plus de crayon, un mobile comme appareil photo. N’a-t-il pas fait du journalisme pour autant ? Il explique ce qu’il a retenu de cette expérience sur son tumblr.

 

Le contre exemple aux points précédents est le travail de Andy Carvin, journaliste à NPR, qui a « couvert » la révolution égyptienne depuis son bureau, en reportant après vérification ce que des sources sur le terrain lui disaient en ligne.

Mais dans ce cas, comme l’explique cet article du Guardian, Twitter a été  un commencement de preuve, Andy a validé via des contacts personnels sur place ce qu’il pouvait y lire. Jusqu’à considérer que certaines personnes étaient fiables, et qu’ils pouvaient donc les utiliser comme sources.

 

Bref, sortez.
Et utilisez le net pour vous documenter avant, pendant, après.
Le net est un début, pas une fin.

 

—-

Outils cités dans l’article

. twitter
. instagram – article à créer

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Cedric
5 Comments
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  • 2 mai 2012 at 14 h 24 min

    Bonjour,

    Je trouve cet article très interpellant: faudrait-il convaincre des journalistes d’aller sur le terrain?! En fait, je le sais déjà, puisque l’acte même de décrocher son téléphone pour confirmer une info est une attitude très rare.

    Aller sur le terrain, c’est une question de survie journalistique, et pour au moins quatre raisons supplémentaires:
    – échapper au mainstream de la pensée et des angles.
    – échapper au microcosme politique et journalistique actif sur la toile et les réseaux. Fuir le conformisme et les idées reçues.
    – échapper à l’illusion qui consiste à croire qu’un traitement multimédia suffit à  donner de la plus-value journalistique à un article.
    – échapper à l’illusion qui vise à faire croire que le web est un mirroir de la vie réelle.

    Non?

    • cedricmotte
      2 mai 2012 at 14 h 36 min

      Si 🙂 

      La motivation du billet vient de discussions lors de formations auprès de journalistes « non-web ». Souvent remontent des réflexions sur « Ces petits jeunes devant l’écran ne sortent plus, et d’ailleurs avec tous ces outils on va finir par ne plus avoir besoin de sortir ».

      « Au contraire » leur réponds-je, « c’est en allant dehors que le journaliste moderne prend toute sa dimension ». Ou a peu près, et je leur présente les arguments développés ici.

      Ce n’est donc pas tant les journalistes qu’il faut convaincre, mais les « non web » à qui il faut bien expliquer que le web n’est pas une fin mais un moyen.

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